La passion de l'Enluminure

Lindisfarne, l’art insulaire de l’enluminure
  • Auteur de l'article: Par Rolie Bidas
  • Article publié sur le site:
  • Les commentaires sur les articles comptent: 0
Lindisfarne, l’art insulaire de l’enluminure
Lindisfarne, l’art insulaire de l’enluminure A l’instar du livre de Kells, l’évangéliaire de Lindisfarne est l’un des plus beaux manuscrits enluminé du début du Moyen Âge. Il fut réalisé au monastère de Lindisfarne sur une île située au nord de l’actuelle Angleterre, à la fin du VIIe siècle par un moine nommé Eadfrith, qui deviendra ensuite évêque de Lindisfarne. Composé de plus de 250 feuilles de vélin, le manuscrit contient les textes des quatre Evangiles, en latin. C’est un exemple étonnant de la force de la foi chrétienne durant une des périodes les plus turbulentes de l’histoire britannique. Quelques ajouts au Xe siècle On remarque sur différents folios des éléments textuels placés entre les lignes du texte original. Il s’agit d’ajouts rédigés dans une ancienne langue anglaise par Aldred (Prévost de Chester-le-Street) au milieu du Xe siècle, afin de rendre le contenu plus accessible à la communauté anglophone. Les scribes ont également ajouté des colophons pour indiquer les circonstances de leur travail (le lieu, la date, le prix du manuscrit, …). Le colophon d’Aldred indique que les évangiles ont été écrits par Eadfrith, la reliure originale a été fournie par Ethelwald (successeur d’Eadfrith) et l’ornementation extérieure a été faite par Billfrith, un anachorète de Lindisfarne. Il y déclare également que les Évangiles ont été créés pour Dieu et Saint Cuthbert. Saint Jérome Folios 2v et 3 La première des cinq grandes ouvertures décorées du manuscrit introduit la lettre que saint Jérôme adressa au pape Damasus, à la demande duquel il a procédé à la révision du texte de la Bible latine à la fin du IVe siècle. Le frontispice intègre une croix. Il fait face à la page d’introduction portant une lettrine (N) richement décorée, introduisant le mot latin «Novum» (nouveau). Table Canon Folio 11 L’une des seize pages de tables Canon du manuscrit de Lindisfarne. Le système de tables Canon est un dispositif de concordance inventé pour indiquer quels passages sont partagés dans les différents évangiles. Il montre, par exemple, si un passage particulier dans l’Évangile de Matthieu apparaît aussi dans Marc, Luc et Jean. Saint Matthieu Folio 19 Chacun des quatre évangiles est précédé d’un texte introductif qui ne fait pas partie du texte biblique. Ces passages se distinguent par de petits groupes de lettres capitales décoratives, qui intègrent des ornementations. On voit ici clairement la traduction interlinéaire d’Aldred du texte latin original en anglais ancien. Folio 25v Chacun des quatre évangélistes est représenté dans une enluminure de pleine page au début de son Evangile. Saint Matthieu est représenté accompagné de son symbole traditionnel, la figure d’un homme, et par une deuxième figure placée derrière un rideau. Folios 26v et 27 La page tapis située au début de l’Evangile de Saint Matthieu est peut être la plus connue du manuscrit de Lindisfarne. C’est un remarquable exemple de composition d’entrelacs multicolores. Sur la page opposée, l’évangile s’ouvre sur les mots latins : « Liber generationis iesu christi » (le livre de la génération de Jésus-Christ). Folio 29 L’Évangile de Saint Matthieu inclut une seconde page principale, marquant le début de l’histoire de la naissance de Jésus. Les trois premières lignes contiennent les mots: « Christi autem generatio sic erat ». Ce qui peut se traduire par « voici dans quelles circonstances Jésus-Christ vint au monde » Profitez de tous les détails de cette enluminure en téléchargeant la version haute définition TÉLÉCHARGER Saint Marc Folio 90 Le texte préliminaire de l’évangile de Saint Marc s’ouvre avec le nom de l’évangéliste. La lettrine et les lettres capitales qui composent le prénom s’inscrivent dans un assemblage régulier de points rouges, enrichis de différents motifs décoratifs. Folio 93v Le deuxième évangéliste, Saint Marc, est ici accompagné de son symbole traditionnel, un lion. Comme Matthieu, il est représenté dans un habit apparemment copié d’un modèle classique tardif. Dans cette enluminure, le lion est peint de façon plus réaliste que dans la plupart des représentations animales de l’époque médiévale. La couleur dorée de sa fourrure suggère également une bonne connaissance de la bête. Folios 94v – 95 En concevant cette page d’ouverture de l’Evangile de Saint Marc, Eadfrith s’est fortement appuyé sur une variété de motifs purement linéaires. Sur la page contenant la lettrine, différentes techniques décoratives alternent à l’intérieur et aux contours des lettres et des marges. Saint Luc Folio 137v Le troisième évangéliste, Saint Luc, est représenté de son symbole traditionnel, un taureau (ou jeune veau). Il est assis dans la même position que celle adoptée pour St. Matthieu et, comme lui, porte la barbe. Folios 138v – 139 La page-tapis en croix qui introduit l’évangile de Saint Luc ne fait qu’une utilisation limitée de l’ornementation animale et apparaît globalement plus géométrique que les précédentes. Sur la page de droite, l’évangile s’ouvre sur les mots « Quoniam quidem multi conati sunt ordinare narrationem » (Beaucoup ayant entrepris de mettre en ordre le récit). Folio 143v Ce folio un exemple de page type de l’Evangile de saint Luc. L’écriture régulière de la glose d’Aldred apparaît en rouge entre les lignes du texte original. Saint Jean (liste de lectures) Folio 208 Cette page est l’une des rares sur laquelle l’écriture originale d’Eadfrith peut être admirée. Elle est en effet presque entièrement épargnée par les annotations ajoutées par Aldred au 10e siècle. Le texte donne des détails sur certains passages qui doivent être lus les jours de fêtes spécifiques. On peut admirer une écriture assurée et remarquablement régulière. Ce style particulier d’écriture, conçu pour une utilisation formelle (rédaction de textes officiels et sacrés), est connu sous l’appellation de « majuscule insulaire » ou « semi onciale ». Folio 209v Parmi les quatre évangélistes, seul Saint Jean est représenté de face, dirigeant son regard vers le lecteur. Il n’écrit pas mais semble exposer le contenu de son rouleau. Il est accompagné de son symbole traditionnel, l’aigle. Folios 210v – 211 Cette page-tapis et la lettrine introduisant l’Evangile de Jean sont les dernières enluminures du manuscrit de Lindisfarne. Elles sont d’une richesse et d’une complexité exceptionnelle, utilisant les différents éléments du vocabulaire décoratif d’Eadfrith dans une sorte de bouquet final d’ornementations. Colophon Folio 259 Sur la dernière page du manuscrit une grande partie de la deuxième colonne de texte a été initialement laissée en blanc. Ici Aldred a décidé d’ajouter une inscription importante en vieil anglais précisant les détails de l’histoire des Evangiles. Les noms qu’il donne peuvent tous être trouvés dans d’autres sources historiques.
Découvrir l'article
La vie des femmes au Moyen Âge à travers l'enluminure
  • Auteur de l'article: Par Rolie Bidas
  • Article publié sur le site:
  • Les commentaires sur les articles comptent: 0
La vie des femmes au Moyen Âge à travers l'enluminure
Cette courte vidéo de l’université de Sherbrooke (Canada) aborde la représentation sociale et religieuse de la femme à travers l’art de l’enluminure.   Par la richesse de leurs enluminures, les manuscrits nous offrent un vaste champ d’études quant aux représentations religieuses et sociales de l’univers médiéval. Que nous enseignent leurs pages enluminées de précieuses miniatures et la riche ornementation de leurs marges ? Artiste enlumineur, Sylvie Poirier rédige actuellement un mémoire qui porte sur l’analyse des représentations religieuses et sociales de la femme dans l’enluminure romano-gothique française, sous la direction du professeur Patrick Snyder. Reportage de Vicky Gauthier et Michel Caron
Découvrir l'article
Le livre de Kells
  • Auteur de l'article: Par Rolie Bidas
  • Article publié sur le site:
  • Les commentaires sur les articles comptent: 0
Le livre de Kells
Réalisé vers l’an 800 de notre ère, le livre de Kells – qui dépeint les 4 évangiles du Nouveau Testament – est sans aucun doute l’œuvre majeure de l’enluminure insulaire et l’un des plus remarquables vestiges de l’art religieux médiéval. Le livre de Kells ou l’histoire mouvementée d’un manuscrit exceptionnel Cet ouvrage magnifique dont le commanditaire demeure inconnu, aurait été réalisé par des moines du monastère de Iona, sur une petite île au sud-ouest de l’Écosse (mais il existe d’autres hypothèses). Les invasions Viking dont l’objectif premier consistait au pillage des villages et des monastères précipitèrent très probablement la décision des moines de quitter l’île, et de se rendre en Irlande (au sein de l’abbaye qu’ils fonderont à Kells) pour protéger le « Livre » (alors inachevé), qui vous l’aurez compris, lui donnera son nom. Les annales d’Ulster (qui consignent l’histoire médiévale irlandaise) relatent que le livre de Kells (désigné comme « l’objet le plus précieux dans le monde occidental ») fut dérobé vers 1007 puis retrouvé quelques temps plus tard, … enterré dans un fossé ! Étonnamment, l’ouvrage est intact, mais « allégé » de sa précieuse couverture incrustée d’or et de pierres précieuses (ce qui vient naturellement éclairer le motif du forfait). Le manuscrit demeure au monastère jusqu’en 1654, date à laquelle un nouveau problème survient : Oliver Cromwell. Livre de Kells. Monogramme du Christ dans la page dite du « Chi-Rho », qui ouvre l’évangile de Saint Mathieu. Incipit de l’évangile de Saint-Jean (folio n°292) Cromwell est un militaire britannique protestant qui débarque en Irlande en 1649 dans un contexte de guerre civile (à l’origine « la Guerre des 3 Royaumes »). Les guerres confédérées irlandaises rassemblent les Royaumes d’Écosse, et d’Irlande qui souhaitent s’émanciper du Royaume d’Angleterre. Cromwell se donne pour mission d’incarner l’opposition au Roi Charles Ier. Il y parvient et finit par faire traduire le roi devant une cour extraordinaire qui condamne le souverain à mort. Oliver Cromwell, fort de cette réussite politique qui le propulse au rang de symbole, entame une série de batailles et de sièges tout droit dirigés contre les catholiques irlandais. Le résultat est un massacre : la population Irlandaise est divisé par 2,4. L’hégémonie britannique s’impose. De nouveaux colons investissent les lieux et une oppression religieuse & politique s’installe, conduisant le peuple irlandais dans une misère et une famine historiquement célèbres. Dans ce contexte, les moines de Kells envoient le précieux évangéliaire à Dublin où Il est présenté en 1661 à Trinity College, qui demande alors la permission de le conserver. Le Livre de Kells est depuis cette époque conservé à l’université de Dublin (la plus ancienne université d’Irlande) où il fut exposé au tout début du 19e siècle. Que contient le livre de Kells ? Réponse : les quatre évangiles (la première et principale source d’information sur la vie et le ministère de Jésus) et une profusion d’enluminures remarquables ! L’iconographie de la littérature chrétienne représente bien souvent les évangélistes (Mathieu, Marc, Luc et Jean). Le Livre de Kells n’échappe pas à la règle, mais leur représentation graphique s’inscrit dans la symbolique dite des « Tétramorphes », c’est à dire sous la forme figurative inspirée par la vision de Saint-Jean, qui trouve son origine dans celle d’Ezéchiel (prophète de l’Ancien Testament). Elle illustre à la fois les qualités que l’on attribue au Christ, et l’articulation rédactionnelle des évangélistes. Saint Matthieu Matthieu fut le premier des apôtres : « En passant, il aperçut Lévi, fils d’Alphée, assis au bureau des impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit » (Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc – Chapitre 2 – Verset 14). Considéré comme l’auteur du tout premier évangile (qu’il entame avec la généalogie de Jésus), Matthieu (ou Lévi) apparaît dans le livre de Kells sous la forme d’un homme. Il symbolise l’humanité de Jésus (sa naissance et son incarnation). Saint Marc L’un des premiers versets de l’évangile de Marc dépeint un environnement désertique. À cette époque, le lion était encore présent en Palestine, et tout particulièrement près du fleuve Jourdain, où Jésus fût baptisé par Jean. Marc dans sa figure du lion est l’illustration de la force. Dans la Bible, le lion évoque le messie (Ap 5,5 : « Le lion de la tribu de Juda, le descendant du roi David, a remporté la victoire »). Dans le livre de Kells, toutes les représentations des évangélistes possèdent des ailes et une auréole (symbolisant respectivement l’élévation spirituelle et la sainteté). Saint Luc Luc débute son évangile dans le temple avec l’annonce de l’ange Gabriel à Zacharie puis à Marie (l’annonciation). C’est aussi dans le temple que l’on sacrifiait (en offrande) des taureaux à Dieu. Il existe d’autres explications, mais je retiendrai celle-ci : l’illustration de sa puissance de travail. Figuré ainsi, Luc représente à la fois le sacrifice offert à Dieu par le Christ, et son implication dans la rédaction de l’évangile et dans celle des Actes des Apôtres. Saint Jean Si Jean prend le symbole de l’aigle, c’est vraisemblablement dû à la hauteur de l’analyse dont il fait preuve dans la rédaction même de son évangile. Il apparaît en effet très clairement que l’évangile de Jean est différent des trois autres. De nombreux passages des évangiles de Matthieu, Marc et Luc, se recoupent dans les thèmes abordés et épisodes communs. Mais Jean n’aborde pas la nativité ni la généalogie du Christ. On ne trouve pas non plus de récit de la tentation de Jésus ou de son baptême. Jean s’attache à montrer l’identité de Jésus et souligne le fait qu’il est bien plus qu’un simple prophète. Qui a réalisé ces enluminures ? L’examen de cette œuvre par les plus éminents spécialistes de leur domaine révèle au moins trois artistes (maîtres-enlumineurs) : un orfèvre (auteur des pages d’ouverture des évangiles), un illustrateur et un portraitiste. Ils n’étaient sans aucun doute pas les seuls à contribuer à cette magistrale réalisation. On a même émis l’hypothèse que les 9 apôtres figurés à gauche du folio 202, illustrant la tentation du Christ par Satan (ci-contre) sont en réalité les auteurs du livre ! Ce qui est éminemment remarquable dans le livre de Kells, c’est la précision et la finesse des traits qui composent ses différentes enluminures. Certaines pages comportent des détails quasi invisibles à l’œil nu. Pourtant, l’invention de la loupe n’apparaît pas avant le XIIIème siècle (les verres grossissants de Roger Bacon). Les auteurs de cet ouvrage devaient donc posséder une excellente vue ! La réalisation du livre de Kells (680 pages), nécessitera près de 30 ans. Il restera (sans doute pour longtemps) de nombreuses questions à résoudre sur les mystères de son exécution.
Découvrir l'article

Techniques de fabrication du parchemin - l’art à la carte - 2013

Présentation des techniques de fabrication du parchemin par Jean-Pierre et Anne-Marie NICOLINI : l’ébourrage (enlever les poils), l’écharnage (enlever les résidus), le cadrage, l’édossage (mettre de la craie sur la surface de la peau, le ponçage et la découpe finale.

Des réalisations finales sont ensuite présentées : un « volumen » (rouleau de parchemin), un « codex » (livre), un « antiphonaire » (partition de chant grégorien) et même des abats-jours en parchemin !